« De ces côtes vides, il me
reste surtout l’abondance de ciel », Par ces mots, commence « El
entenado » de l’écrivain argentin Juan José Saer. Traduit au français sous
le titre de L’ancêtre (même si « El entenado » signifie
« Le protégé ») ; quoi qu’il en soit, le livre raconte
l’histoire de Fernando del Puerto, jeune orphelin, qui, attiré par la mer,
embarque comme petit mousse dans l’expédition de Juan Díaz de Solís, qui avec
trois vaisseaux a fait la traversée du Río de la Plata.
Le jeune garçon vivra des
expériences atroces marquées par la mort du capitan du navire et des autres
matelots descendus à terre avec lui. Des indiens anthropophages se sont servi
de ses victimes pour en faire un festin célébré ensuite, par une orgie tout en
épargnant le jeune narrateur, qui est devenu leur protégé avant d’être renvoyé
vers son point de départ (des nouveaux bateaux arrivés aux rives du Río de la
Plata).
Inclassable car de fort contenu
historique, cette fiction racontée à la première personne -à la manière d’un
journal- par le vieil homme décrit un monde tellement invraisemblable que l’on
se croirait écouter le récit d’un rêve. Avec un langage et une narrative très
riches et très recherchés « El entenado » dépasse le roman historique
ou la simple chronique d’aventures d’outremer des Espagnols qui se sont
aventurés au-delà du monde connu. Saer, pose des réflexions sur la solitude,
l’exile intérieur, la précarité du langage pour nommer le conflit irrésolu
entre la société et l’individu. Se souvenir non pas pour garder la mémoire,
mais pour ne pas perdre le désir. Écrire pour tenter de dire tous ce que le
temps et la pensée nous réclame.
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