dimanche 3 février 2013


Méduses, Antoine Brea


Publié au Quartanier dans la collection « Ovni », ce texte venimeux est le récit de l'errance d'un homme, tout au long d'une descente aux enfers affective et sexuelle, dans un monde trouble hanté d'êtres incertains. Le lecteur est d'emblée projeté dans les tergiversations mentales du narrateur, seul fil directeur d'une narration perturbée et déroutante, dont pourtant on ne saura rien : souffleur de verre séropositif, ex-taulard détruit par la drogue ou artiste peignant à l'encre mais n'exposant que des« poupées-machines » et autres « récupérations de cimetière », il est tout d'abord étranger à lui-même avant que de ne l'être aux autres. Porté par son existence dépravée et moribonde, médusé par un double morbide qui envahit peu à peu de sa présence assourdissante l'espace du texte, le narrateur se nourrit de contacts mortifères, de passades sans affects, de filles substituables les unes aux autres, que l'on séduit comme on viole : consommées, puis effacées à chaque fin de chapitre. Seul un personnage, Jimmy Namiasz, résiste aux éliminations méthodiques, réelles ou fruits d'un délire psychotique, ami si proche qu'il vient redoubler le brouillage des identités narratives : « Je vivotais en liberté, te relatais tout ça, l'histoire de Jimmy Namiasz, un peu aussi la mienne […] Parfois je m'inquiète si je n'ai pas rêvé, si mon existence n'a jamais eu une vraisemblance en dehors de toi, Jimmy, si l'univers connu d'alors n'était pas que le pur produit des tes hallucinations personnelles. » Antoine Brea livre ici un troisième texte à l'écriture aliénée et fulgurante dont le lecteur ne sortira pas indemne.


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