mercredi 6 mars 2013

Dans le nu de la vie, Jean Hatzfeld

Qui, aujourd’hui, peut prétendre connaître parfaitement le génocide des Tutsis au Rwanda ? Lorsque l’on prononce le mot « génocide », la première idée qui nous vient à l’esprit est l’Holocauste. Les autres exterminations sont bien moins présentes alors qu’elles sont tout aussi réelles.
Jean Hatzfeld, écrivain et journaliste français, était reporter au Rwanda à l’époque du génocide. L’incompréhension face à ces massacres l’a poussé à arrêter ses activités et à vivre parmi les rescapés. En 2000, il publie un livre intitulé Dans le nu de la vie, sous-titré Récits des marais rwandais, aux éditions du Seuil.
Dans cet ouvrage, le journaliste raconte le génocide à travers les témoignages de quatorze rescapés. Chaque témoin est photographié. Treize clichés, tous en noir et blanc, ont été réalisés par Raymond Depardon en 1999 à la demande de l’auteur ; le quatorzième est de Jean Hatzfeld. L’écrivain intercale les paroles des témoins et le récit de sa rencontre avec ceux-ci. Les Tutsis ont été pourchassés par les Hutus puis exterminés à la machette. Des familles entières ont ainsi été décimées. En un mois, plus de cinq Tutsis sur six ont été assassinés.

Cet ouvrage est édifiant ; le lecteur est emporté malgré lui dans les marais du Rwanda. Jean Hatzfeld commence son livre ainsi : « En 1994, entre le lundi 11 avril à 11 heures et le samedi 14 mai à 14 heures, environ 50 000 Tutsis, sur une population d’environ 59 000, ont été massacrés à la machette, tous les jours de la semaine, de 9h30 à 16 heures, par des miliciens et voisins hutus, sur les collines de la commune de Nyamata, au Rwanda. Voilà le point de départ de ce livre ». Un sujet tel que le génocide est difficile à aborder. Certains extraits sont pénibles à lire : des enfants et des parents racontent comment ils ont vu leurs proches mourir. Jeannette Ayinkamiye, jeune fille de dix-sept ans, commence son récit par ces phrases : « Je suis née parmi sept frères et sœurs. Papa a été coupé le premier jour mais on n’a jamais su où. Mes frères ont été tués peu après. Avec maman et les petites sœurs, nous sommes parvenues à nous enfuir dans les marais ». Cependant les témoignages sont très touchants ; le lecteur ne peut que s’attacher à ces personnes qui ont tant souffert mais sont restées généreuses.

Lire ces témoignages fait partie de notre devoir de mémoire. Jean Hatzfeld a regroupé ces récits pour faire sortir ces voix de l’ombre. Trois ans plus tard, il a écrit un deuxième ouvrage sur cette période : Une saison de machettes. Mais cette fois, les témoignages sont ceux des tueurs. Le journaliste a recueilli, dans le pénitencier de Rilima, les paroles des Hutus qui ont perpétré les massacres. Plus récemment, en 2007, il a publié son troisième ouvrage consacré à ce sujet, La Stratégie des antilopes. Dans ce dernier ouvrage, il relate « l’après génocide » et montre comment les Tutsis ont continué à vivre dans les collines du Rwanda.

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