vendredi 1 mars 2013

La Classe de neige , E. Carrère


Un titre aux sonorités joyeuses des souvenirs d’enfance et seulement cent quarante-sept pages pourraient être les arguments pour ouvrir La Classe de neige d’Emmanuel Carrère, roman paru en 1995. Depuis, l’auteur a écrit quatre autres romans, dont un certain Limonov, qui lui a valu le prix Renaudot en 2011. Contrairement aux apparences, la légèreté est absente de La Classe de neige et, une fois de plus, la profondeur de l’ouvrage qui remporta le prix Femina, réside dans les thèmes de prédilection de l’auteur : double vie, enfance volée, mensonge, deuil de la confiance, folie. Des sous-entendus habitent le roman et mènent habilement le lecteur jusqu’à une réalité perceptible mais terrifiante. Après un démarrage presque banal le livre prend rapidement sa tournure oppressante. Nicolas, jeune garçon de dix ans, couvé et solitaire, appréhende son futur séjour en classe de neige. Cette appréhension est partagée par sa famille qui redoute l’accident de car et décide que Nicolas soit véhiculé sur les lieux en voiture par son père. Seulement voilà : le père dépose Nicolas, oublie de sortir les bagages du coffre, repart et … tarde à revenir. Au fil du séjour qui se déroule dans l’attente du retour du père, nous suivons de l’intérieur les pires cauchemars de l’enfant, ses angoisses, ses fantasmes, sa maladie presque réconfortante, sa rencontre lumineuse avec Patrick le moniteur, sa fausse amitié avec l’effrayant et pervers caïd de la classe jusqu’à la découverte de ce qu’il pressentait peut-être : la vérité sur son père. Comme Patrick,  le lecteur se demande désormais  « qu’est-ce que va être sa vie ? » et se persuade comme Nicolas qu' « à cet instant,  sa vie commencera et que dans cette vie, pour lui, il n’y aura pas de pardon ». Emmanuel Carrère qui a écrit cette histoire alors qu’il était sur le point d’abandonner l’écriture de L’Adversaire, récit sur l’affaire Romand, un père meurtrier, pensait en finir avec ses obsessions. « Il m’est tombé dessus et m’a aimanté », disait-il en parlant de ce livre. Adapté au cinéma par Claude Miller en 1998, le film a reçu le prix du jury du Festival de Cannes. Il livrait pourtant une histoire encore plus singulière et dérangeante que le roman.

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