jeudi 7 mars 2013

Retour à Killybegs de Sorj Chalandon

Dans Mon traître, Sorj Chalandon s'inspirait de sa propre vie pour nous raconter l'histoire d'Antoine. Ce jeune luthier français, acquis à la cause nationaliste irlandaise, découvre avec dégoût que son ami, véritable père de substitution et héros de la résistance anti-britannique est en fait un traître à sa patrie.

Retour à Killybegs revient sur cette blessure mais laisse cette fois la parole au traître, Tyrone Meehan. Ce personnage est le double fictif de Denis Donaldson qui a menti pendant vingt-cinq ans à l'IRA, cause à laquelle appartenaient sa famille et tous ses proches.

« Personne n'a jamais été dans mon ventre, personne » nous dit Tyrone Meehan attendant la mort à Killybegs, son village natal et revenant sur sa vie : une enfance misérable marquée par un père alcoolique et violent, le déménagement dans le ghetto catholique de Belfast, l'humiliation, les privations...Un parcours qui le mène à l'engagement dans la lutte armée où il connaîtra la solidarité, l'amitié et l'amour. Emprisonné par l'impitoyable répression du gouvernement Thatcher, Meehan y vit les grèves de l'hygiène et de la faim. A sa sortie, brisé, il commet alors l'inconcevable.

Sorj Chalandon, ancien grand reporter, a couvert le conflit Nord-Irlandais et était l'ami de Denis Donaldson. Il nous fait d'ailleurs partager son amour pour ce pays et son peuple. Toutefois, son ouvrage n'en est pas moins un roman. Comme l'auteur n'a pu revoir son traître entre la révélation de sa félonie et son assassinat, il décide donc de se glisser dans sa peau et lui invente une histoire, exutoire à l'effroi et à l'incompréhension. Si certains passages sont à la limite du soutenable, en particulier la description des conditions d'incarcération réservées aux membres de l’IRA, ils rendent fidèlement compte de la réalité de cette guerre civile si proche de nos frontières.

Mon traître était un récit centré sur la stupéfaction et la rancœur du trahi, Retour à Killybegs, tribune offerte à Meehan, laisse place au pardon et à l'apaisement. Le recours à la première personne et le style très épuré renforcent la puissance du récit. Ce texte bouleversant et magnifique a reçu le Grand Prix du Roman de l'Académie française en 2011.

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