vendredi 8 mars 2013

Le gaucho insupportable

L'Argentine est un roman, donc elle est fausse, ou au moins menteuse. Buenos Aires est une ville de voleurs et de gouapes,un lieu pareil à l'enfer, où la seul chose qui valait le coup était les femmes, et parfois,mais très rarement, les écrivains. La pampa, en revanche,était l'éternité. 

Publié à titre posthume dans un recueil éponyme, cette nouvelle de l'écrivain chilien Roberto Bolano nous plonge dans une Argentine en plein gouffre économique, qui se retrouve dans une situation de faillite.
Hector Pereda, avocat de Buenos Aires à la retraite fuit la crise et s'en retourne dans sa propriété d'Alamo Negro, domaine familial abandonné au cœur de la pampa. Seul dans ce désert, il se confronte à une vie qui lui est inconnue, où le temps s'écoule différemment, où l'immensité du vide contraste avec le bouillonnement de la capitale.
Mais la crise est partout; l'activité a disparu, les propriétés se sont vidées. Il n'y a plus de vaches, ni de chevaux, mais des lapins qui se regroupent le long de la voie ferrée ou à proximité des sentiers. Enfin, les gauchos désoeuvrés, en sont réduits à attendre impuissants que le temps passe alors même que leur mémoire s'efface.
A la manière des westerns de Peckinpah, où les derniers bandits assistent à la fin de leur monde et s'interrogent sur leur devenir, le vieil avocat cherche sa place. Au gré de ses fulgurances, il se métamorphose, épouse cette vie et se détourne de ce qu'il était.

Roberto Bolano mort à Barcelone en 2003, se penche sur les doutes d'un pays qui s'enfonce dans la crise. Comment trouver la volonté de vivre et de construire alors que tous les repères s'effritent ?         ( Bolano est lui-même malade).
Son récit est une fable crépusculaire dont le rythme se calque sur la lenteur du temps passant dans l'immensité désertique. Et si le fond est teinté d'un fort réalisme social, il y glisse des accents comiques et fantastiques qui se mêlent à une ironie qui n'est pas sans rappeler celle d'un Italo Calvino. Les personnages y sont loufoques et décalés et l'absurde qui transparaît dans certaines situations contraste avec la gravité des thèmes abordés.
 

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