mercredi 30 mars 2011

« Au cœur des ténèbres, se trouvent les ténèbres du cœur ».

« Remonter ce fleuve, c’était comme voyager en arrière vers les premiers commencements du monde ».

C’est vers ces temps anciens, cachés dans les ténèbres de la jungle congolaise, que Joseph Conrad nous conduit dans ce roman, qui inspira Coppola pour son film Apocalypse now.

D’origine polonaise mais naturalisé anglais, J. Conrad (1857 – 7924) a été très tôt marqué par ce déracinement qui le poussera à embrasser la carrière de capitaine au long cours. Il a également écrit Typhon et Lord Jim qui, à l’instar d’Au cœur des ténèbres, s’inspirent de sa vie de marin.

Au cœur des ténèbres, publié en 1902, raconte le voyage de Marlow, capitaine d’un vapeur et double de l’auteur, qui part à la recherche d’un homme, Kurtz, établit en pleine jungle où il tient un comptoir colonial.

La remontée du fleuve est lente, les mois passent et l’obscurité se fait de plus en plus dense et oppressante. La forêt elle-même paraît animée d’intentions malveillantes : « c’était l’immobilité d’une force implacable appesantie sur une intention inscrutable. Cela vous regardait d’un air vengeur . »

Au terme du voyage, Marlow découvre Kurtz qui semble s’être voué au mal. Il incarne l’excès, la cupidité, le délire de puissance qui subjugue et horrifie Marlow. Son don d’éloquence magique l’a hissé au rang de demi-dieu pour les tribus locales. Cet homme tourmenté, dont les derniers mots seront « Horreur ! Horreur ! », représente la tentation du mal pour Marlow, fasciné par les ténèbres et l’abomination qu’il dégage.

Conrad nous livre ainsi une réflexion sur la part sombre de l’homme. La remontée du fleuve s’avère être une descente aux enfers. Comme le poète de la Divine Comédie de Dante, des étapes scandent l’annonce toujours plus pressante de Kurtz, du mal.

Pour J. Conrad, c’est l’omniprésence et l’intensité du noir qui a précipité Kurtz dans la folie : dans la désolation de la jungle, il a entr’aperçu la Vérité. À la manière de Monsieur V, dans Un Roi sans divertissement de Giono, que l’uniformité du blanc a rendu fou, Kurtz succombe à la pesanteur de l’obscurité et libère un flot de violence originelle.

Thème universel et question atemporelle, l’apparition du mal chez l’homme s’est exprimée en bien des formes sous la plume de nombreux écrivains. Dans ce récit, Conrad réussit à nous livrer une sombre morale de l’existence grâce à une sobriété du style qui laisse éclater la magnificence des mots.


Au cœur des ténèbres, Joseph Conrad

G.F Flammarion

Préfacé et traduit de l’anglai par J.-J. Mayoux.

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