mercredi 9 mars 2011

Le Cœur régulier, Olivier Adam, éditions de l’Olivier, 18 euros

Dix ans après Je vais bien, ne t’en fais pas, adapté au cinéma et dont la bande originale traîne encore sur les lèvres et au fond des iPods, Olivier Adam renoue avec une histoire de fraternité fusionnelle qui s’étiole, de disparition brutale et de quête. Sarah, pavillon de banlieue chic, mari poli et adolescents ordinaires, part au bout du monde sur les traces de son frère Nathan, décédé. Elle échoue sur les falaises d’un village japonais d’où se jettent traditionnellement les suicidaires. Dans cette petite ville lointaine et immobile, Sarah plonge quant à elle dans les souvenirs de l’existence partagée avec son presque jumeau.

À la lecture du Cœur régulier, on a la tête remplie d’images poétiques et un peu clichés dont on pourrait reprocher la banalité à l’auteur : la pluie, la lumière, Sarah pas tout à fait housewife mais très desperate, Nathan, son frère, alcoolique, bipolaire et pour faire bonne mesure suicidaire… Cependant, Olivier Adam se joue de ce défaut. Les personnages à la psychologie convenue incarnent au final les archétypes d’une famille à laquelle chacun peut s’identifier. La banalité du cliché littéraire reflète celle de l’existence morne qui leur colle à la peau. L’auteur réussit à faire évoluer la perception du lecteur en même temps que celle de Sarah. Le deuil de Nathan suicidé débute dans le cliché : colère contre ce frère immature, inadapté alternant avec adoration du Nathan martyre d’une société brutale. Cependant, le récit de la douleur de Sarah finit par donner naissance à une vision assez lucide où semble flotter l’esprit d’une époque et un sentiment de désenchantement prégnant.

Après la lecture d’une lettre de Nathan, Sarah dit : « ses mots me revenaient en tête, les images bizarres qui peuplaient ses phrases tordues me filaient dans les veines et venaient s’imprimer sur ma rétine ». En recueillant en elle le souvenir de Nathan, comme elle intègre ses mots, Sarah trouve un équilibre entre la révolte fraternelle et sa propre collaboration sociale. Elle arrive à se libérer de la vie qu’elle a menée jusque-là, sans se détruire.

De l’esprit adolescent perpétuellement sur le fil du rasoir, Olivier Adam retient une poésie proche de celle des haïkus : « Chaque goutte est une aiguille, une imperceptible blessure. Je tends la main, puis le poignet pour les piquer d’eau […]. Il y a si longtemps que je n’ai pas ressenti cela. Cette paix liquide à l’intérieur de moi. ». Il faut que le lecteur s’arme de patience pour laisser résonner en lui le récit et voir émerger de son insatisfaction première un univers romanesque plus nuancé et délicat.

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