mercredi 30 mars 2011

L’Élégance du hérisson de Muriel Barbery, Gallimard, 2006

Une concierge d’un immeuble bourgeois plus lettrée que ses résidents, une adolescente très intelligente sur le point de se suicider : tels sont les personnages que nous présente la quatrième de couverture de ce roman de Muriel Barbery, L’Élégance du hérisson. Quelles sont les origines de ces comportements et quel lien y a-t-il entre les deux ? Voilà les questions que suscite cette présentation chez le lecteur et auxquelles il trouvera les réponses au cours de sa lecture.

Ce roman se compose de deux séries de textes entremêlées écrites à la première personne par Renée, la concierge et Paloma, l’adolescente. Ces deux journaux intimes racontent le quotidien de ces deux narratrices en insistant sur leurs dispositions particulières : l’amour de la culture et de l’érudition pour Renée ; l’intelligence et la lucidité dans l’appréhension du monde pour Paloma. Ce genre littéraire particulier est donc le prétexte pour énumérer un certain nombre de préjugés sur les concierges : « comme je suis rarement aimable, quoique toujours polie, on ne m’aime pas mais on me tolère tout de même parce que je corresponds si bien à ce que la croyance sociale a aggloméré en paradigme de la concierge d’immeuble. » ou de dresser une caricature de la classe bourgeoise : « Tous les matins, au petit déjeuner, papa boit un café et lit le journal. Plusieurs journaux, en fait : Le Monde, Le Figaro, Libération et une fois la semaine, L’Express, Les Échos, Time magazine et Courrier International. Mais je vois bien que sa plus grande satisfaction, c’est la première tasse de café avec Le Monde devant lui. […] Chaque matin, même s’il y a eu une séance nocturne et qu’il n’a dormi que deux heures, il se lève à six heures et lit son journal en buvant son café bien fort. C’est comme ça que papa se bâtit chaque jour. »

Au-delà de ces anecdotes, ce roman décrit l’isolement subi involontairement par ceux qui sont différents des autres et qui tiennent, pour plus de facilité à vivre, à cacher au reste du monde ce qu’ils sont au fond d’eux. Au cours de l’histoire, ce motif se trouve transformé par l’arrivée d’un nouveau personnage, Kakuro Ozu, qui détecte immédiatement chez les deux narratrices leur nature secrète et va tenter de les faire apparaître au grand jour.

Ce deuxième roman de la jeune écrivain Muriel Barbery, publié en 2006, a connu un beau succès, renforcé par l’adaptation cinématographique de 2009. L’alternance des deux journaux offre une lecture très variée entre les réflexions sur l’art, la littérature, la philosophie etc. de Renée et les critiques virulentes de Paloma sur la classe bourgeoise et ses névroses, ses contradictions et ses faux-semblants auxquelles la simplicité et la sagesse de Kakuro apportent une certaine tempérance. La présence de personnages aussi variés permet également un usage multiple de la langue, mettant tantôt en avant le parler populaire, le « verlan » des jeunes et le langage érudit.

Ce livre rend le lecteur plus attentif aux aspirations profondes des autres et à leur véritable être. Même si la fin peut sembler gâcher l’ensemble du livre, elle est néanmoins essentielle pour clore les dispositions actuelles des personnages et leur ouvrir de nouvelles perspectives : « Je me dis que finalement, c’est peut-être ça la vie : beaucoup de désespoir mais aussi quelques moments de beauté où le temps n’est plus le même […] un toujours dans le jamais. »

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