mercredi 16 mars 2011

Réfugiés climatiques, Collectif Argos. Dominique Carré Editeur, 2010.

La question du réchauffement climatique fait débat depuis un certain nombre d’années. Nous en connaissons tous plus moins les effets : étés pluvieux, catastrophes naturelles de plus en plus nombreuses - tornades, tempêtes et autres cyclones - , fonte de la calotte glaciaire, canicules… Mais le problème majeur, celui auquel nous pensons le moins souvent, est le sort des populations contraintes à l’exil. C’est l’angle de travail choisi en 2004 par le collectif Argos, collectif créé par onze photographes et journalistes français.

Réfugiés climatiques est le fruit d’une série de rencontres, réalisées dans différentes parties du monde, avec des populations victimes des conséquences du réchauffement de la planète.

Textes et photos nous plongent au cœur de leur quotidien et de leurs combats. Ici, pas de misérabilisme, juste des fragments d’humanité, des constats, et ce soupçon d’inexorable qui donne à l’ouvrage une réelle mélancolie. La force du livre c’est cette intensité de vie dans laquelle il nous plonge, où chaque histoire personnelle, transmise par des témoignages et des textes écrits par les journalistes avec le souci du vécu, devient histoire universelle. De l’Alaska à la Nouvelle-Orléans en passant par le Tchad, le Bangladesh, la Chine et le Népal tous se racontent, décrivent ce même sentiment, cette même peur face à l’avenir. Partir, c’est inévitable mais pour aller où ? À travers les photographies, ce sont les mêmes sourires, les mêmes jeux d’enfants, le même attachement à la nature qui les entoure, les fait vivre et les expulse peu à peu. Certaines photos appuient de manière impressionnante les témoignages qui les accompagnent. A Shishmaref, en Alaska, Mina Weyiouanna pose devant sa maison couchée sur le flanc faisant écho au témoignage de Joe Braach, le directeur de l’école du village : « Lorsque j’ai vu le sémaphore basculer brusquement dans la mer, j’ai compris que ma maison allait le suivre. J’ai éprouvé un sentiment curieux : de la panique, du calme aussi. Il fallait agir vite. Le vent et les vagues ne nous laissaient plus le temps d’hésiter. En quelques minutes, une chaîne humaine s’est formée pour m’aider à vider la maison dans les bourrasques et le froid. A Shishmaref, les gens sont très solidaires. L’air de rien, ils se serrent les coudes, conscients d’être tous confrontés à la même fatalité. Une heure a suffi pour mettre à l’abri l’essentiel de mes affaires. Entre-temps, la mer avait avalé les deux derniers mètres de terre qui la séparaient de la maison. Dessous, les vagues creusaient déjà le permafrost…  »

Ouvrage passionnant, aussi beau qu’instructif, Réfugiés climatiques nous oblige à prendre conscience des effets de nos modes de vie sur les autres, ceux qui vivent loin de nous, différemment de nous mais avec qui nous devrons partager des territoires se réduisant peu à peu.

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