mercredi 9 mars 2011

L’épopée haletante de notre siècle à travers le destin d’un homme et de l’aviation.

Le Siècle des nuages, Philippe Forrest, Gallimard.

Ce roman de 550 pages est l’œuvre de Philippe Forest, professeur ès lettres et auteur remarqué de L’Enfant éternel et de nombreux essais.

L’histoire retrace à la fois la vie de son père, aviateur, et celle de l’aviation au cours du XXe siècle.

On y voit les balbutiements de l’aviation, on revit l’enthousiasme et l’espoir suscités par cette invention puis son basculement dans la barbarie lors de la Seconde Guerre mondiale. Viennent ensuite les lendemains qui chantent où l’aviation sert à relier les hommes. Le père de l’auteur devient alors pilote de ligne après avoir été dans l’armée de l’air, souvent absent, silencieux et énigmatique.

En parallèle, l’auteur dresse le portait de son père, ballotté par les évènements, sans prise directe sur son destin. Mais c’est un portait apaisé et respectueux en forme d’hommage à un homme récemment décédé.

Ce roman s’adresse à un public initié qui pourra sans difficulté apprécier le travail sur la structure et le style des phrases. En effet, l’auteur puise dans la longueur des phrases l’intensité nécessaire pour décrire le flux intense de pensées de son père, à la manière du monologue intérieur propre à l’œuvre de James Joyce.

Ce procédé lui permet d’explorer « l’infini possibilités des possibles » à savoir les multiples facettes qu’auraient pu prendre une action si son père avait fait des choix différents.Il met ainsi à jour l’impossibilité d’accéder à la vérité sur son père, malgré le truchement de la fiction car tous ses souvenirs paraissent faussés.

Toutefois, en dépit de ce constat, la littérature apparaît comme le seul moyen d’accéder à son père. Conscient de la futilité des mots face à la mort, l’auteur ressent pour autant la nécessité e les exprimer pour rendre hommage à son père et lutter contre l’oubli : « contemplant ce corps […] se disant cependant que cette dépouille ne suffit pas, qu'il y manquait des mots – même insignifiants ou impropres. […] seulement afin de manifester une fois, une seule fois que quelque chose aura été dans le temps contre quoi le temps lui-même, quand il aura effacé la chose, n'aura rien pu, n'aura rien pu contre le fait qu'elle ait été. »

Ainsi, au-delà du deuil physique de son père, c’est au deuil des mots de son père auquel l’auteur œuvre dans ce roman, en narrant ses souvenirs incertains, conscient toutefois de l’impossibilité d’atteindre la Vérité.

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